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28 février 2025

Projet Joncoux Legendre

NEWSLETTER #44 : FEVRIER

Février est souvent perçu comme un mois de transition, où les premiers signes du printemps se manifestent discrètement.


L'Édito,
Février est souvent perçu comme un mois de transition, où les premiers signes du printemps se manifestent discrètement. Les jours s’allongent progressivement, et les températures, parfois plus douces que la normale, laissent entrevoir le changement de saison.

Bonne lecture.

Projet Joncoux Legendre – Chartres de Bretagne

Source instagram :  _likealeaf

Propassif a récemment labellisé un projet de bâtiment tertiaire en construction bois à Chartres-de-Bretagne, en collaboration avec le groupe Legendre.

Ce projet s'inscrit dans la création d'une nouvelle usine de 8 000 m² de l'entreprise française Joncoux, spécialisée dans la conception et la fabrication de conduits de fumée et de ventilation. Le bâtiment labellisé PassivHaus, construit par le groupe Legendre, constitue une aile de bureaux mitoyenne à l'usine. Il comprend principalement des espaces de travail, des salles de réunion ainsi qu'un réfectoire.

L'enveloppe du bâtiment repose sur une structure en ossature bois réalisée par l’entreprise Briero et spécialisée dans les enveloppes bois et passives, intégrant l'isolation directement dans les parois. Ce principe d’enveloppe permet d'éliminer les parois froides et d'optimiser la gestion des ponts thermiques. De plus, la préfabrication des murs en atelier facilite la phase de chantier, ces éléments étant simplement assemblés sur site.

L'efficacité énergétique du bâtiment est renforcée par l'utilisation de menuiseries à triple vitrage, une caractéristique récurrente dans la conception passive. Ce dispositif assure un meilleur confort thermique en limitant les risques de surchauffe estivale et en réduisant les déperditions de chaleur.

La ventilation joue un rôle essentiel dans la performance thermique du bâtiment. Pour optimiser son efficacité, une centrale de traitement d'air (CTA) double flux avec récupération de chaleur a été installée. Son échangeur à plaques permet de préchauffer l'air neuf, améliorant ainsi le confort intérieur tout en réduisant les besoins en chauffage.

Particularité notable, cette CTA double flux est connectée à la fois à l’aile passive des bureaux et aux locaux de l’usine mitoyenne, qui ne bénéficie pas du même standard énergétique. Cette configuration a représenté un défi majeur dans le processus de conception et de labellisation du projet.

En complément, le chauffage du bâtiment est assuré par une chaudière à granulés de bois, une solution écologique et durable. Ce système utilise une source d'énergie renouvelable, présentant un rendement énergétique élevé qui contribue à la réduction de la consommation de combustible et des coûts de chauffage.

Par ailleurs, le bâtiment bénéficie d'une excellente étanchéité à l'air. Les tests réalisés en fin de chantier ont révélé un coefficient n50 de 0,53 renouvellement par heure, bien en deçà du seuil maximum de 0,6 imposé par la conception passive. Une enveloppe parfaitement étanche, associée à un colmatage minutieux des fuites, constitue un levier essentiel pour améliorer la performance énergétique des bâtiments en construction.

Le portrait du mois
Aujourd'hui, c'est Bruno PEUPORTIER qui répond à nos questions.

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Présentez-nous votre entreprise et votre parcours professionnel.

Pour ce qui me concerne, il ne s’agit pas d’une entreprise car j’ai plutôt créé une équipe de recherche au sein d’une école d’ingénieurs : Mines Paris, et plus précisément au Centre Energie, Environnement et Procédés. Ce centre a été créé en 1976, suite à la crise du pétrole de 1973, pour travailler sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie.

Après mes études à Centrale Paris où j’ai travaillé sur un projet de maison solaire et sur le stockage inter-saisonnier, j’ai rejoint les Mines en 1980, dans un des rares laboratoires qui travaillait sur ces questions. J’y ai effectué une thèse puis développé un outil de simulation thermique dynamique, COMFIE. Un post-doc en Allemagne en 1988-89 m’a permis de valider le modèle par rapport à des résultats expérimentaux, et de découvrir les recherches menées outre-Rhin.

Ce séjour m’a conforté dans mon projet de développer des outils d’écoconception utiles aux professionnels du bâtiment, et de les appliquer à des projets innovants. J’ai alors créé une équipe de recherche, Ecoconception et thermique des bâtiments, qui s’est étoffée progressivement.

J’ai enseigné dans diverses écoles d’ingénieurs et universités, en particulier aux Ponts, ce qui a permis de former un grand nombre de professionnels à qui j’ai présenté le label passif apparu au début des années 1990. Nos travaux sur la thermique ont été complétés dès 1992 par l’analyse de cycle de vie (ACV). A l’époque, les institutionnels considéraient que ce n’était pas la bonne approche mais 30 ans après, l’ACV a fini par être intégrée à la réglementation. Il faut être opiniâtre aussi dans la recherche…

Pour quelles raisons avez-vous choisi de développer le standard passif ?

Les travaux de notre équipe ont débuté avant l’apparition de ce standard, dans la lignée des précurseurs de l’architecture solaire et bioclimatique. On peut citer par exemple physicien Félix Trombe du CNRS et les architectes Jacques Michel, Frédéric Nicolas, Marc Vaye et Jean-Marie Alexandroff, ainsi que Jean-Pierre Traisnel également du CNRS.

Le concept de maison passive s’est avéré très performant énergétiquement mais aussi économiquement. Le solaire actif reste plus coûteux, c’est le cas aussi de technologies apparues dans les années 1980 comme l’isolation transparente. Le standard passif a pu facilement être complété par des systèmes photovoltaïques en toiture pour aboutir à un bilan positif en énergie, avec un premier projet à Freiburg dès 1996.


Selon vous quelles sont les compétences/connaissances incontournables pour réaliser dans les règles de l’art un projet de construction/rénovation passive ?


Ce type de projet associe le plus souvent un architecte, un bureau d’études et une entreprise de construction, qui doivent travailler en bonne intelligence. Un projet passif nécessite d’abord les compétences de base de ces différents métiers, mais en plus une bonne compréhension des transferts de chaleur et plus globalement de la physique des bâtiments.

En ce qui concerne l’entreprise, le plus délicat est sans doute la maîtrise de l’étanchéité à l’air de l’enveloppe. La ventilation à double flux n’est en effet efficace que si les infiltrations parasites sont réduites. Il faut aussi maîtriser les aspects acoustiques.

Nous sommes en train de traverser une crise qui touche le prix des matières premières, comment faites-vous face à cette situation ?

Le prix n’est qu’un indicateur de la rareté. Lorsque nous avons commencé les travaux sur l’ACV, l’épuisement des ressources a tout de suite fait partie des aspects à intégrer, au même titre que le climat, la santé et la biodiversité. Trente ans après, les problèmes environnementaux deviennent de plus en plus visibles.

Des scientifiques ont introduit la notion de limites planétaires à ne pas dépasser pour respecter les grands équilibres nécessaires à la vie sur notre planète. En particulier un budget carbone est évalué par le GIEC. Ce budget global peut ensuite être réparti par pays et par secteur d’activités.

L’enjeu est aujourd’hui davantage sur la réhabilitation que sur la construction neuve. Au rythme actuel des rénovations, le budget carbone correspondant à un réchauffement de 1.5°C sera atteint dans 6 ans. Il faut donc s’attendre à devoir adapter les bâtiments pour qu’ils restent vivables lors de canicules de plus en plus sévères. L’isolation, et donc le standard passif, peuvent répondre à cette exigence avec un complément en rafraîchissement passif, ou actif alimenté par de l’électricité photovoltaïque.
A l’heure actuelle, pensez-vous que le passif soit la solution pour rendre la construction plus soutenable et pourquoi ?

Il est clair que le simple respect de la réglementation RE2020 ne permet pas de respecter les limites planétaires. Qui pourrait croire qu’il suffit d’intégrer un peu de biosourcé et de planter des arbres en ville face aux défis environnementaux ?

La conception passive répond à un certain nombre de questions, elle constitue une base ayant l’avantage d’être réplicable et d’un bon rapport qualité/prix. Il convient d’intégrer une inertie thermique suffisante pour limiter les surchauffes lors des vagues de chaleur en profitant d’une sur-ventilation nocturne quand cela est possible. L’extension de l’écoconception à l’échelle des quartiers donne des leviers d’action supplémentaires.

Pourriez-vous partager un moment mémorable ou une réalisation dont vous êtes particulièrement fier dans votre parcours professionnel ? Expliquez votre choix.


Avoir pu étudier les premières maisons passives réalisées en France, en 2007 à Formerie (Oise) a été pour moi très enrichissant et je remercie l’entreprise Les Airelles Construction de m’avoir sollicité.
L’application de la simulation thermique dynamique a conduit à augmenter l’inertie de ces bâtiments à ossature bois. La mise en œuvre d’un puits climatique a permis d’améliorer le confort d’été.
L’ACV a fait apparaître l’importance des consommations d’électricité spécifique, et le rôle joué par les occupants dans la performance environnementale des bâtiments ce qui donne tout son sens à la notion de sobriété.

Comparées au standard réglementaires de l’époque (RT 2005), les maisons passives de Formerie permettent de réduire la plupart des indicateurs environnementaux sauf celui sur les déchets radioactifs, du fait de la mise en œuvre d’une pompe à chaleur au lieu d’une chaudière gaz habituellement choisie à cette époque. L’ajout d’une production photovoltaïque permettrait d’améliorer encore ce bilan.

Merci Bruno pour cet échange et ce retour d'expériences !

Ci dessous, les premières maisons passives certifiées Passivhauss (ID 1111)  réalisées en France par Les Airelles Construction à Formerie (Oise) en 2007.

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